mardi 15 juin 2010

Web ouvert contre Web facile


Ce que j'aime chez les bons journalistes -sérieusement-, c'est leur faculté d'exprimer de façon simple et percutante quelque chose qui auparavant était latent et pourtant bien présent dans nos vies. Je m'en suis rendue compte une fois de plus en lisant un article qui traduit par le projet Framalang, (oui parce que j'ai beau être bilingue ouais, ça me prend la tête de lire le NY Times moi-même, voilà. Résultat je suis encore bonne dernière à t'en parler mais je suis sûre que tu n'étais même pas au courant, commence pas, veux-tu).


Ce monument s'appelle The Death of the Open Web, de Virginia Heffernan et je te sur-recommande de le lire, le méditer, l'encadrer sur ton frigo, le réciter à genoux devant ton lit le soir, le tweeter, le liker, le hurler dans ta cage d'escalier pour sensibiliser tes voisins 1.0, ce que tu veux pourvu que ça se diffuse.


Cet article se penche sur ce qu'il appelle la ségrégation virtuelle, ie. non seulement la multiplication des plate-formes payantes, des péages, des espaces privés, mais surtout le filtre des applications. Le Web par le biais de l'application, ce n'est plus la page pourrie qui s'affiche mal, qui rame, qu'il faut scruter deux heures pour naviguer. L'application, c'est la beauté, la simplicité, la rapidité. Et scoop, cela a un prix.


« Quand une barrière est érigée, l’espace dont l’accès devient payant se doit, pour justifier le prix, d’être plus agréable que les espaces gratuits. Les développeurs appellent ça « une meilleure expérience utilisateur ».


Perso, j'appelle ça un cercle vicieux... Et le plus impressionnant étant que l'on s'habitue à ces carrés VIP et il sera toujours plus douloureux de revenir en arrière, dans du bordélique et du moche. Sans même parler de la simple esthétique, le monde des applis est un espace contrôlé a priori, sans alcool, sans porno, sans surprises, hygiénique et aseptisé.


« Ce qui est tout aussi remarquable, si ce n’est plus, c’est que de nombreuses personnes sont en train de quitter totalement le Web ouvert. C’est ce que les 50 millions d’utilisateurs de l’iPhone et de l’iPad s’apprêtent à faire. En choisissant des machines qui ne prennent vie que lorsqu’elles sont affublées d’applications de l’App Store, les utilisateurs d’appareils mobiles Apple s’engagent dans une relation plus distante et inévitablement plus conflictuelle avec le Web. »


Plutôt qu'un conflit, j'aurais plutôt pensé à une totale impossibilité de connaître tout ce qui est produit par le Web, dès lors que tout est pré-sélectionné, par les médias agréés ou les réseaux auxquels nous appartenons. Depuis des années que l'on pleure sur l'explosion du volume d'information, devrions-nous nous réjouir qu'une entreprise se propose si gentiment pour faire le tri à notre place ?


Tout ceci n'aurait rien de violemment original si l'article ne cherchait à comprendre ce phénomène et reconnaître que certaines entreprises ne font que répondre à une demande latente...


« Au final, tout est affaire d’impression : beaucoup d’apps sont au Web ce que l’eau en bouteille est à l’eau du robinet : une manière nouvelle et inventive de décanter, conditionner et tarifer quelque chose qu’on pouvait avoir gratuitement auparavant. »


… car finalement on va souvent au plus simple (un peu comme sur les joujous Fisher-price... )


« Même pour le moins snob, il y a quelque chose de rafraîchissant à être délivré de la barre d’adresse, des pubs, des liens et des invitations pressantes – qui nous rappellent en permanence que le Web est une mégalopole surpeuplée et souvent affolante dans laquelle vous n’êtes qu’un passant parmi d’autres. Avoir l’assurance que vous ne serez ni bousculé ni assailli ni agressé – c’est précieux également. »


Et l'article de conclure que nous pourrions cependant le regretter.


Pour finir, sans croire qu'Apple & co puissent être à eux seuls responsables de la fin du monde, jon peut croire en revanche à notre naturelle passivité ; en faisant de l'internaute un consommateur passif de contenus, lâchons le mot, un téléspectateur, il est probable qu'on perde l'un des plus beaux avantages du web à mon sens : la possibilité de chercher et surtout de choisir nos sources d'information. Quant à l'interopérabilité... Mais j'extrapole.


Badineuse

PS : t'as vu, j'ai remplacé mon Like par un bouton Wikio que j'ai du mal à comprendre comment que ça marche mais l'idée c'est que tu cliques

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