lundi 12 juillet 2010

De l'affaire Bettencourt à l'affaire Mediapart




C'est l'été, l'affaire Kerviel et la Coupe du Monde se terminent, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir raconter dans nos journaux déjà si éprouvés par la crise économique et le plongeon du papier ?

"Kikoo patron lol, j'ai une chouette histoire de tv-réalité à te proposer, où que je te mélange 1) Grand-mère Lili très riche, 2) BG très méchant, 3) Politiques tous pourris, 4) Internet y fait que dire des faussetés et 5) si tu y mets le prix, je suis sûr que quelque part c'est tout la faute à Domenech."

...

Et oui, c'est beau les Affaires. Ca vend énormément, ça titre sur tous les journaux comme ça on est sûr d'avoir raison d'en parler, ça permet de dire/promettre/dénigrer à peu près tout et tout le monde politiquement, bref ça vous remet à flots toute une industrie médiatique. A ceci près qu'il ne faudrait pas que des trublions issus des bas-fonds informationnels de l'Internet se croient permis de publier des scoops qui feraient plus de tapage que mon traditionnel article de l'été sur l'immobilier du XIVème ou sur les francs-maçons.
Mais de Quoi je te parle...? Tu vas pas le croire - comme d'habitude- mais un site Internet nommé Mediapart a publié le 6 juillet le témoignage de l'ex-comptable des Bettencourt, dite Claire T., témoignage qui a ouvert le bal des nombreuses exclusivités et incroyables révélations qu'on nous sert chaque matin sur France Inter ah non ya plus personne là dans les journaux.

Moi je lis pas Mediapart, c'est payant, mais même de loin ça a un petit côté information alternative, n'est-ce pas, une bouille sympathique (si j'aurais eu un boulot je m'aurais abonné moi-même quoi). Et Hachette Dieu sait que la presse papier n'a pas besoin de la concurrence de ce genre de sites qui ont un je-ne-sais-quoi de décalé dans leur traitement de l'information et qui traitent même les sujets rebattus avec un angle curieux. C'est pourquoi il semble nécessaire de faire comprendre à ces petits merdeux qui font joujou un peu trop rentablement sur leurs petits sites que si on veut bien leur laisser leurs actus de geek, les Affaires, les scoops, les violations du secret de l'instruction, c'est du domaine des Grands Vieux Journaux.

La solution qui a été adoptée, classique, le lynchage en règle du malheureux qui a osé jouer dans la cour des grands ; je te passe le détail des qualificatifs employés ces jours-ci à l'égard de Mediapart dans la presse, ils sont énumérés avec une grande précision ailleurs. Notons simplement le fait, rare pour un organe de presse, que son directeur Edwy Plenel a porté plainte pour diffamation.
Ce qui me semble le plus triste dans toute cette histoire, ce n'est pas que la presse relaie le langage quasi-ordurier des hommes politiques qui accumulent points Godwin et prix Busiris à chaque intervention contre Mediapart. C'est plutôt la répétition de la pitoyable guéguerre entre presse papier/audiovisuelle et presse/blogs Internet.

La violence de la campagne lancée contre Mediapart, remettant en cause la fiabilité de ses sources, sa déontologie face à l'information, bref les compétences de toute une équipe de journalistes professionnels, n'est pas acceptable. Parce qu'il est évident que Mediapart n'a pas inventé l'eau tiède en publiant des informations obtenues de façon discutable. Parce qu'il est facile de mettre dans le même sac les blogs, les tweets, les actus et les journaux Internet en leur donnant un aspect bac à sable d'adolescents anarchistes. Parce qu'il serait tout aussi facile de comparer le Monde aux tabloïds les plus simplistes.

D'un autre côté, peut-être que les médias sur support "classique" réagiraient-ils moins violemment si la Toile ne les attaquait pas sans arrêt de son mépris. Bien sûr, toute une génération est extrêmement méfiante face à l'information sur Internet, est submergée par sa quantité, sa rapidité et par l'absence de contrôle a priori. Mais que dire de tous les blogs, tous les médias Internet qui se croient les plus hype simplement grâce à leur caractère numérique et descendent les médias papiers, s'enferment dans leur vision à sens unique de l'information et sont bien plus intolérants que leurs ainés ? (à ce propos je te recommande un pur concentré de vision qui tue : Les journalistes, c'est rien que des faux blogueurs na).
Le délit de propagation de fausses nouvelles n'est pas né avec Internet, pas plus que Twitter n'a inventé le scoop. Évidemment, ça fait mal de se rendre compte qu'on ne va plus pouvoir écrire du vide impunément et qu'il va falloir à la fois se botter le cul pour se moderniser Et avoir un minimum de contenu entre deux dépêches AFP-like.


Badineuse

PS : (en fait on dit pas post-scriptum sur les blogs hype, on dit màj, comme ça tu comprends ?) comme il faudra bien s'occuper demain parce qu'il va pleuvoir donc pas de défilé, je t'offre plein d'analyses intelligentes sur le sujet, t'en as pour la matinée à lire et l'aprem à comprendre :

- RWW : le Woerthgate, Mediapart et la renaissance des médias français
- Aliocha : Et soudain, la presse rescussita !
- Chouingmedia (via Owni) : Oui, les journalistes papier sont motivés par le Web
- Un chat (mais un chat du 14 juillet)

2 commentaires:

  1. ah ça mais c'est une réponse de normand, ça! Concrètement, tu es dans quel camp ?(j'aime bien les schéma binaires, désolée ;-)

    (le délit de propagation de fausses nouvelles, ça rentre dans les trucs qui passent en cours d'assise? Je me ferais bien la peau de Mister Edwy...)

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  2. Mais c'est quelle est taquine... :)

    Dans ce cas précis, je suis encline à penser que Mediapart a appliqué à la lettre les méthodes du journalisme/politique traditionnel (méthodes que je trouve souvent limites, au regard du secret de l'instruction) : c'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité. Si quelqu'un doit râler, je pense que c'est plutôt le Parquet.

    Quant au délit de presse en question, ce n'est justement pas un crime, donc correctionnel. Tu vas devoir te contenter de la remise de tout ou partie du territoire national à une puissance étrangère...:)

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