vendredi 30 juillet 2010

Jailbreak des smartphones : iPhone, we love to hate you



Les mesures techniques de protection dont je te parlais très très récemment viennent de prendre un nouveau coup outre-Atlantique.

Protégées par le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) de 1998, elles sont cependant limitées par une liste d'exceptions qui autorisent leur contournement dans certains cas bien précis.


Cette liste évolue selon une procédure assez complexe : la Bibliothèque du Congrès étant en charge du dépôt légal national des oeuvres aux Etats-Unis, c'est le Librarian of Congress (depuis 1987, le docteur James Hadley Billington) qui doit mandater le U.S. Copyright Office afin que celui-ci analyse tous les trois ans quelles pourraient être les nouvelles exceptions à ajouter.

Je te dis ça parce que si pour nous ça semble compliqué, ne t'inquiète pas, ça l'est moins pour les lobbys qui suivent tout cela de très près, par exemple pour l’association américaine de défense des droits numériques (Electronic Frontier Foundation) qui a profité de la révision 2010 pour venir faire pression exprimer son point de vue.

Résultat des courses, six nouvelles exceptions, dont une qui fait grand bruit dans le petit monde du web et qui admet le contournement des programmes au coeur du système d'exploitation du téléphone portable, lorsque cela est fait dans l'unique but de permettre l'interopérabilité d'autres logiciels (légaux) avec le programme installé sur le téléphone.

En français, jailbreak. C'est-à-dire le "déplombage", Dieu que c'est joli comme terme, le cassage des protections empêchant l'installation d'applications ou de logiciels édités par d'autres.

L'EFF jubile, un peu comme tout le Web. Mais comme on est très intelligents toi et moi, on sait bien que ce n'est pas si simple, que le vulgaire se réjouit parce qu'il n'a pas vu que tout cela n'est que de la poudre aux yeux.

Premièrement, il semblerait que nous ne soyons pas aux USA et que nous restions sous l'empire de Maman DADVSI : art. 335-1-I du code de la propriété intellectuelle, (juriste va), le contournement des mesures de protection te coûtera 3 750 euros d'amende, vlan. A ce prix-là, tu peux t'acheter 14 iPhone4 et un HTC (c'est comme un iPhone jailbreaké :). Par ailleurs, si tu déconnes vraiment et que tu développes un outil de contournement des mesures de protection, ça passe à 30 000 euros d'amende et six mois de prison.

Heureusement, exception française forever, l'interopérabilité a une place spéciale dans notre coeur (et notre droit accessoirement) : non seulement les mesures techniques en question ne doivent pas être développées de façon à faire obstacle à l'interopérabilité, mais de plus, les opérateurs peuvent demander à avoir accès aux informations nécessaires à l'interopérabilité si le titulaire des droits s'y refuse.

Mais (secondement), les firmes qui pratiquent la protection à haute dose de leur matériel et leurs softwares peuvent toujours jouer leur air favori. En déplombant ton téléphone, en installant tes programmes libres, tu risques de mettre en danger la stabilité du système, l'intégrité de tes données, la sécurité de tout le portable (et au fait, tu peux dire adieu à ta garantie). Tu es bien puni.



J'enfourche mon dada et je te dirais que la logique du système me dépasse. Certaines boites fondent tout leur modèle économique sur un système propriétaire fermé. Il y a bien sûr Apple, mais il y a aussi Nespresso, il y a le marché des consoles de jeux, il y a l'aspirateur X avec son sac X qui est le seul à tenir dans son fichu boitier... Ce modèle ne fonctionne réellement que pour des entreprises fortement innovantes et à la mode, conditions grâce auxquelles ces entreprises peuvent justifier à la fois des prix élevés et une quasi-totale incompabilité : premier et seul à développer un produit aussi génial, il est normal que je sois le seul à pouvoir fournir ses accessoires.

Ce système est souvent violemment critiqué : par les tenants du libre sous toutes ses formes, sans surprise ; par les autorités de la concurrence, qui s'égosillent à demander plus d'interopérabilité ; par les consommateurs et leurs associations, qui critiquent le manque de compatibilité, l'obligation d'acheter systématiquement la même marque et les prix significativement plus élévés. Et pourtant les condamnations / actions / mesures légales / réglementaires / communautaires se comptent sur les doigts de la main : et pourtant le consommateur est attiré par ces produits, cet "écosystème" comme disait l'autre ; le modèle propriétaire créée une communauté, avec ses objets bien à lui, ses signes de reconnaissance, qui excluent le reste du monde.

Alors quoi ? On est libre. Se définir une identité par le biais d'une marque n'est pas plus curieux que tous les mouvements de groupe. Fermer son modèle n'est pas illicite (visiblement). En revanche, il y a une certaine schizophrénie à acheter des produits notoirement fermés pour ensuite venir pleurer auprès du juge que tu ne peux pas jouer à tes jeux Flash dessus. Que le jailbreak soit possible est bien sûr une bonne chose, mais une entreprise vend un modèle, il me semble qu'elle a tout à fait le droit de chercher à le défendre contre le gamin pervers qui achète du propriétaire pour immédiatement vouloir en sortir.

Si j'étais quelqu'un d'extrême, je dirais qu'on devrait laisser ces boîtes aller au bout de leur logique, interdire totalement le jailbreak de leur produits, et voir si finalement le consommateur ne se lasserait pas de lui-même ?

Je suis peut-être trop positive sur la société de consommation...


Badineuse

4 commentaires:

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  2. Très très intéressant ton article. Je trouve ton point de vue très original. Voici quelques remarques néanmoins.

    Alors oui, le jailbreak est devenu légal aux US et internet jubile. C'est très bien mais concrètement je ne suis pas sûr que ça va changer grand chose. Les geeks vont continuer à jailbreaker comme ils faisaient avant (ça craint pas trop ce qui est interdit, un geek...). Les non-geek trouveront ça beaucoup trop compliqué et s'abstiendront pour la grande majorité. En revanche, on va peut-être assister à l'émergence de mini-business basé sur ce nouveau marché genre l'entreprise qui te jailbreak ton iPhone pour toi ou autre "le jailbreak pour les nuls", même si selon moi ça va rester marginal.

    Concernant l'interopérabilité, je ne trouve pas choquant que les entreprises tentent de capter au maximum les revenus liés à la vente des accessoires de son produit, d'autant plus si elle crée un nouveau marché à elle seule (Nespresso et Apple pour ne citer qu'eux). Alors après, les partisans du libre sont pas contents (j'aime bien le libre, c'est cool ; mais tout ne peut pas être libre non plus, hein ! c'est fini le monde des bisounours...), les autorités de la concurrence crient au scandale parce qu'à cause de cette fermeture, il n'y a pas de concurrence possible et que donc les prix sont beaucoup plus élevé que le reste du marché. Mais on s'en fout !!

    Le seul truc qui compte, c'est que le consommateur achète ! Si toi (par forcément toi Badineuse, mais toi lecteur avisé), tu trouve ça con de payer 10 € ta capsule Nespresso, c'est tout simplement que tu n'es pas dans le marché ciblé par l'entreprise. Mais ça ne veut pas dire que ton voisin, il se prend pas pour Georges Clooney quand il sort dans la rue avec sa cafetière hi-tech sous le bras (si si, ça arrive). Au final, si tu trouves que le système propriétaire, c’est chiant et ça coute cher, et bien il suffit d’aller vers un autre système (HTC ou le jailbreak pour les smartphones, Senseo pour le café, Linux pour le système d’exploitation, etc.). Avec internet, le consommateur même lambda a accès à toutes les informations pour choisir en connaissance de cause donc où est le problème ?

    Bon j’avoue que je me fais volontairement l’avocat du diable dans ma réponse et que sur le fond, je suis d’accord avec toi : les techniques de fermetures d’une technologie sont vraiment des pratiques détestables qui selon moi détruisent la valeur si on considère le marché au global.

    Dernier point : pour moi, ce n’est pas incohérent d’acheter des produits fermés et vouloir les ouvrir ensuite. Dans ta réflexion, tu fais implicitement l’hypothèse que si le consommateur choisi d’acheter un système fermé, c’est uniquement pour l’aspect communautaire. Or selon moi c’est faux : le iPhone (le 3GS, hein, pas le 4 !) est un très bon produit technologiquement parlant qui n’a pas usurpé sa première position dans le marché des smartphones (malgré son côté fermé). Autre exemple : la dernière version d’Office que tu utilises parce que les SmartArt, c’est trop cool, mais que tu aimerais bien que les docx soient lisibles plus facilement par d’autres logiciels.

    Sclaxion

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  3. je ne sais pas si la remarque précédente s'adresse à mon post ou aux com ;)

    mais je pense en effet que si on veut un peu débattre ou converser, vos coms gagneraient à être un petit plus courts et à montrer de façon plus claire l'idée force...

    sans quoi j'ai un peu de mal à trouver le temps d'y répondre autant que la matière présente le mériterait, et je crois que c'est un peu le cas de tout le monde !

    lets keep it superficial ... :)

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